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L'ÉCLÉCTISME GÊNOIS
Les auteurs de la Madone de Brando, bien que florentins d’origine, ont sans doute été sensibles aux influences de la peinture vénitienne contemporaine notées supra, mais leur culture est beaucoup plus proche des pratiques des ateliers génois de la fin du XVe siècle, trahissant plutôt leur venue précoce en Ligurie. Ils appartenaient vraisemblablement à l’une de ces nombreuses « botteghe » génoises (ateliers) souvent dirigées par des étrangers, principalement des lombards ou des niçois.
La présentation de la Vierge assise sur un trône architectural monumental, peint sur un panneau cerné d’un cadre somptueux en bois sculpté et doré reprenant la forme d’un triptyque, rappelle les pratiques des ateliers génois de la fin du XVe siècle dont le style oscille entre le gothique finissant et la Renaissance. Ces grandes compositions montrant la Madone et l’Enfant assis sur d’imposants trônes architecturés où prennent place des anges musiciens ou des "putti" semblent provenir des modèles lombards et seront diffusés au XVIe siècle à Naples et dans tout le sud de l’Italie, jusqu’en Espagne. Citons l'exemple du lombard Vincenzo Foppa, dont le plus prestigieux est celui qu’il réalisa en 1490 et que termina Ludovico Brea, destiné à l’ancien Dôme de Savone (Savone, Oratoire de Santa Maria di Castello ) L’imposante stature de la Vierge, la rondeur des formes, la placidité des attitudes des anges, les motifs ornementaux créent la même ambiance de calme et d’apaisement que celle des œuvres de Mazone. Il demeure vraisemblable que "Simone et Rocho" subirent cette influence lors de la réalisation du tableau. | Vincezo Foppa et Ludovico Brea, Vierge à l'enfant, Oratoir de Santa Maria di Castello, Savone, 1490. | |
UNE PROVENANCE PRESTIGIEUSE
Ruines du couvent Saint-François de Brando
Albin Chalandon (1809-1885), polytechnicien de formation, eut une carrière militaire en tant que capitaine dans l’armée du Génie. Fils d’Antoine Chalandon (1768-1832) adjoint au maire de Lyon et administrateur des hospices civils de Lyon, il était l’héritier d’une importante famille lyonnaise. Il collectionna notamment les primitifs italiens, se constituant une importante collection à Parcieux dans l’Ain où il décéda.
Formée essentiellement de peintures et d’objets d’art de l’époque médiévale, la collection Chalandon a compté depuis la fin du XIXe siècle de nombreux chefs-d’œuvre, pour certains distillés petit à petit, avec parcimonie, sur le discret marché de l’art pour aboutir in fine aux cimaises des grands musées. On citera notamment parmi les œuvres les plus prestigieuses de la collection, "le Calvaire" de Jean de Beaumetz, Louvre, "les scènes de la vie de saint François de Sasseta", Londres National Gallery et "la Rencontre de saint François et saint Dominique", de Fra Angelico au musée de San Francisco. L’un des aspects fascinants de la Madone de Brando est la richesse de sa provenance. Les notes rédigées par Albin Chalandon nous informent, outre de ses recherches en Histoire de l'Art, des conditions dans laquelle il a acquis l'oeuvre en 1839. | | |
Il découvre ce tableau en 1837 dans le village de Brando, situé à cinq ou six kilomètres au nord de Bastia et note : "il appartenait jadis à la chapelle d’un couvent franciscain[6] situé dans le voisinage. Il est probable qu’il avait été offert comme ex-voto par quelque négociant génois. J’en ai fait l’acquisition en 1839 avec l’autorisation de l’évêque d’Ajaccio. Une importante opération de consolidation a été exécutée pour ce tableau avec beaucoup de connaissance et de talent par M. E. C. Daussigny".
Ces quelques lignes sont d’une richesse extraordinaire, elles permettent au lecteur d’imaginer le collectionneur lyonnais en ce début du XIXe siècle parcourant la Corse, mais surtout d’intégrer l’œuvre dans son contexte.
Restée depuis 1839 dans la descendance du collectionneur lyonnais, cette œuvre des premières années du XVIe siècle, est un incroyable témoignage : celui de la vivacité des échanges entre les centres de production vénitiens, lombards et ligures et les régions comme l’actuelle Corse, alors génoise, mais gérée par la puissante banque de l’Office de Saint Georges, mais aussi un témoignage de l’innovation entre tradition et modernité dont faisaient preuve les ateliers de l’école ligure en matière de production picturale.
INFORMATION DE VENTE
MOBILIER ET OBJETS D'ART
Vendredi 31 mars 2023 14:00
Salle 5 - 9 rue Drouot 75009, Paris
Exposition publique :
Mercredi 29 mars de 11h à 18h
Jeudi 30 mars de 11h à 20h
Renseignements :
paris@debaecque.fr
Expert :
Cabinet Turquin