3 statuettes tibétaines bientôt en vente à Drouot

LOT 97
​​​​​​TIBET - XVe/XVIe siècle
Statuette en laiton incrusté de cuivre et d'argent de Maitreya assis en ardhaparyanka, position de délassement, les mains en vitarka mudra les yeux incrustés d'argent et de cuivre, un lotus se dressant près de son épaule gauche.
H. 17,8 cm CP
Manque un pied, restauration à un pied
Provenance : Vente Cornette de Saint-Cyr du 28 octobre 2002, lot 265
Estimation : 6000 / 8000 €




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LOT 99
TIBET - XVe/XVIe siècle
Statuette en bronze à patine brune de Maitreya assis à l'européenne à traces de laque or sur le visage, les mains en vitarka mudra tenant des tiges de lotus se dressant de chaque côté.
H. 17,5 cm CP
Accidents à la couronne, accidents aux mains
Provenance : Vente Christie's du 26 novembre 2002, n°310
Estimation : 8000 / 10 000 €





Lors de notre prochaine vente, nous présenterons deux représentations de Maitreya. Dans la tradition bouddhique, Maitreya est le bouddha du futur. Il est celui qui viendra montrer aux hommes la voie de la libération.

Au XVe siècle, le Tibet synthétise de manière originale les influences étrangères. Comme le souligne Nathalie Bazin dans son ouvrage, un art national se constitue dans cette région si particulière tant d’un point de vue politique que géographique. Le Tibet s’est déterminé comme le gardien des traditions bouddhiques les plus anciennes. Se développe au fur et à mesure une iconographie foisonnante pour transmettre les enseignements du Bouddhisme. Le but à atteindre est la Libération par la transformation intérieure.

Les deux statuettes datent du XVe siècle, Maitreya est richement vêtu, il est paré de bijoux et porte un stûpa dans sa coiffe. Ces deux représentations donnent à voir différentes postures de l’enseignement bouddhique. L’un est assis, les jambes pendantes dite à l’européenne. C’est une posture heureuse qui se retrouve très tôt dans l’iconographie. Déjà en Inde Gandhara c’est une posture associée à la royauté. L’autre est assis en ardhaparyanka, position de la relaxation.

Les mains en vitarka mudra sont le signe de l’enseignement. La main droite est levée, paume en avant, les doigts sont tournés vers extérieur alors que les extrémités du pouce et de l’index se touchent. La main gauche est représentée en symétrie de la droite.
Ces œuvres sont anonymes, cette production artistique se définit par rapport aux messages qu’elle renvoie. Plus que des reliques anciennes, ces statuettes portent le témoignage d’une pratique ancestrale encore d’actualité.

Nathalie Bazin, L’art Bouddhique au Tibet, Nouvelles éditions Scala & Musée Guimet, 2014, 128 p.
 

L'OEIL DE L'EXPERT - Cabinet PORTIER

LOT 139
TIBET - XVIIIe siècle
Statuette de Sridevi en bronze doré partiellement laquée rouge, assise sur sa mule marchant sur la mer de sang, tenant le kapala
H. 17,5 cm CP
Provenance : Vente Christie's du 28 octobre 2004, n°102
Estimation : 3 000 / 5 000 €





Shri Devi (en sanskrit), PaldenLhamo (en tibétain), 吉祥天母 Ji xiang tian mu (en mandarin), apparait au Tibet au Xe siècle. Elle fait partie des huit dharma pâla, protecteurs du dharma (enseignement), aussi désignés comme les huit terribles. Il s’agit de la seule divinité féminine protectrice du dharma, du Tibet en général, des dalaï-lamas et de la ville de Lhassa depuis le XVe siècle.

La légende dit qu’elle était la reine des Rakshasas, sortes d’ogres qui résidaient sur l’île de Lanka. Dans l’espoir de convertir au bouddhisme son époux et ses sujets, de faire cesser le cannibalisme, elle fit un jour le vœu de sacrifier son propre fils, si elle ne parvenait pas à les convertir. Son souhait se traduisit par un échec, elle fut contrainte de sacrifier son fils comme elle en avait fait la promesse. La peau de celui-ci fraichement écorchée devint alors son tapis de selle, la tête suspendue en dessous. En fuite sur sa mule, son époux lui décocha une flèche qui atteignit le flanc arrière gauche de l’animal, la plaie ouverte se transformant en œil ouvert sur les mondes invisibles.

Très présente chez les Gelupta, la secte des bonnets jaunes, on reconnait Shri Devi aisément par son aspect courroucé, la peau noire ou brune, elle monte une mule, brandit de la main droite le khadga (l’épée) ou le trident, elle tient le kapala (coupe crânienne) rempli de sang dans la main gauche. Elle est vêtue d’une cape faite de la dépouille d’une chèvre noire, d’un vêtement inférieur de peau de tigre, des ceintures et des bracelets de serpents empoisonnés, montrant qu’elle a surmonté toute peur et tout danger. Elle saisit de sa bouche, à l’aide de ses crocs pointus de pleine conscience, de circonspection, d’attention et de diligence, le démon des afflictions mentales. Sa chevelure rousse se dresse, symbole du feu ardent de la sagesse parfaite (jnana), lequel consume toutes les conceptions du monde illusoires (vikalpa), causes sous-jacentes de toute misère en ce monde. Shri Devi porte sur sa tête une couronne à cinq crânes, attribut de l’extinction des cinq poisons : l’avidité, la colère, l’ignorance, la fierté et la jalousie.

Le troisième œil de la sagesse, s’ouvre largement sur le front. Le symbole tantrique du soleil marque son nombril, la lune de la compassion marque sa couronne. Le miroir lui permet de contrôler l’engagement des pratiquants, la calotte crânienne montre qu’elle détient les accomplissements. Un long collier d’intestins agrémenté de cinquante têtes coupées orne sa poitrine, symbole de la victoire de Palden Lamo sur l’ignorance, victoire illustrée par les cinquante têtes de l’esprit mondain (vilkapa) qui doivent être coupées.

Divers instruments et accessoires, comme des peaux évasées, un sac rempli de maladies, d’armes et de dés sont accrochés au dos de la mule. Ceux-ci représentent les compétences et les capacités spéciales de Palden Lhamo pour contrôler, supprimer, ou transformer les obstacles afin de faire avancer les disciples sur le chemin de l’illumination. Shri Devi chevauche sa mule à travers l’océan de sang dans les vagues agitées. L’océan de sang symbolise le cycle de la naissance et de la mort (samsara). La grande variété de montagnes qui l’entourent, témoignent des obstacles à affronter pour parvenir à s’extraire des cercles sans fin de la naissance, de la mort et de la renaissance. Ainsi, Palden Lhamo traverse cet océan tortueux et montre à ceux qui la suivent le chemin du nirvana.