Vendredi 16 février 2024 à Lyon, se tiendra la vente aux enchères Atelier Pierre Dedieu, au cours de laquelle seront présentées près de 200 oeuvres sculptées par l'artiste et qui proviennent de son atelier.
Son travail exceptionnel représente près de 50 ans de création; les oeuvres sont estimées jusqu'à 12 000 €.
La vente aux enchères de l’atelier du sculpteur sur bois Pierre Dedieu (1928-2013) est un évènement remarquable.
D’abord, et il convient ici de le rappeler, les sculpteurs sont rares, peut-être un pour deux ou trois-cents peintres, ensuite et surtout, parce que l’œuvre de Dedieu est unique, tant par la profonde originalité de son inspiration que par la prodigieuse dextérité de son créateur.
Né à Boulogne-sur-Mer en 1928, c’est en Nouvelle-Calédonie que Pierre Dedieu va passer la plus grande partie de son enfance, un voyage qui le confronte aux mystères ancestraux et à la beauté brute de l’art des kanaks. Un retour soudain dans l’hiver glacial d’un pays en guerre, nous sommes en 1940, ne favorise pas l’épanouissement d’un adolescent fort timide et peu apte pour les études. Pierre finit par atterrir, au désespoir de son père, dans l’échoppe d’un ébéniste d’art réputé pour les restaurations des meubles anciens. Le temps précieux et merveilleux de l’apprentissage, celui des gestes, des matériaux et des outils, forme ainsi un artisan hors pair, qui par-delà la maîtrise, a également saisi que lieu de l’accomplissement serait l’atelier.
L’envie de créer ne tarde pas à se faire sentir, d’abord dans le sens des arts décoratifs, Dedieu tout à fait dans l’air le plus avant-gardiste de son temps, taille des coupes et des boites de formes libres, dans une dextérité qui n’a rien à envier à celle d’Alexandre Noll (1890-1970) et pense à réinventer le mobilier. Nous sommes au début des années 1950 et les grands ensembliers décorateurs de l’époque, Jean Royère ou Jean Pascaud, l’invitent à exposer au sein de leurs galeries.
Très vite, le caractère utilitaire de ses créations s’efface au profit d’un pur geste de sculpteur, autant concrétisé par des constructions architecturales abstraites aussi élancées que raffinées, que des propositions plus brutales, magnifiquement dégagées à la gouge dans une subtile révérence aux arts premiers.
Par la suite, bien qu’il fasse l’objet d’un article dans l’ouvrage de référence de Michel Seuphor, La sculpture de ce siècle, (Lausanne, éditions du Griffon, 1958), son nom apparait avec parcimonie dans quelques salons parisiens, comme Réalités Nouvelles en 1958. Le paradoxe de Dedieu est que plus il crée, moins il expose.
Dès 1965, sa maladive timidité s’accorde parfaitement d’un emploi kafkaïen de « constructeur d’outil de polissage de miroirs optiques » à l’observatoire de Paris. Là, au milieu des gigantesques machineries qui scrutent l’univers, dans la solitude absolue et l’isolement serein et nécessaire de ces vastes bâtiments, il élabore dans un petit atelier, une bouleversante appréhension de la figure humaine, tantôt masquée, parfois drapée ou végétalisée, voire mutante, mais souvent illuminée de couleurs dans une surprenante approche radicale de peintre.
C’est à l’Observatoire de Paris qu’un hommage d’ampleur est rendu au sculpteur en 1991, dans une exposition grandiose à la mise en scène surréaliste, ponctué par un précieux petit catalogue.
Le travail de Pierre Dedieu couvre près de sept décennies. Le sculpteur qui a aimé, à la manière des grands ébénistes de l’ancien régime, estampiller ses créations au fer, les a aussi souvent datées, parfois à postériori, mêlant peut-être dans son esprit conception et réalisation, à moins que par facétie, il ne se soit amusé à brouiller les pistes d’une œuvre appréhendée comme un infini astral. Ces mentions de date ne peuvent donc être conçues uniquement comme indicatives.
L’extraordinaire variété des essences de bois employées, des plus rares au plus communes, des plus exotiques au plus locales, des plus dures ou plus tendres, des plus lisses ou plus noueuses, en osmose avec un sens inouï des patines, initie la parfaite maitrise d’un artiste aux centaines d’outils, élaborant patiemment dans un temps suspendu et avec un savoir-faire fantastique, des bas-reliefs aux points d’accrochages permettant une libre disposition et offrant ainsi au regard un monde toujours renouvelé, ou bien alors de délicieuses figures graciles, voire callipyges suscitant instinctivement la caresse...
L’œuvre sculpté de Pierre Dedieu consistue ainsi, plus qu’un hymne au bois, une véritable déclaration d’amour au plus sensuel des matériaux qu’il est maintenant grand temps de partager.
Vente aux enchères :Atelier Pierre Dedieu
Vendredi 16 février 2024 - 14h30
Exposition publique :Mercredi 14 février de 10h à 12h et de 14h à 18h
Jeudi 15 février de 9h à 12h
Responsable de la vente :Rebecca CHARON
Expert : Damien VOUTAY
Renseignements : lyon@debaecque.fr