Le modèle préparatoire du Balzac d'Auguste Rodin aux enchères


HÉROIQUE ET DÉMESURÉ, LITTÉRAIRE ET POLITIQUE,
LE MODÈLE PRÉPARATOIRE DU BALZAC D’AUGUSTE RODIN AUX ENCHÈRES CHEZ DE BAECQUE ET ASSOCIÉS.

 
DE BAECQUE et Associés est fière d’annoncer la vente aux enchères à Drouot le 1er décembre du « Balzac nu », modèle préparatoire en bronze du monument commandé par Emile Zola alors que l’affaire Dreyfus enflamme l’opinion. Ce bronze inédit sur le marché provient par descendance d’un proche du fondeur Eugène Rudier. Expertisée par le cabinet Lacroix- Jeannest, la sculpture est estimée 150 000 à 250 000 euros.
 
En 1891, La Société des Gens de Lettres alors dirigée par Émile Zola organise un concours pour obtenir la commande d’un monument à la mémoire d’Honoré de Balzac. Très politisé autour d’Emile Zola aux prémices de l’affaire Dreyfus, ce concours est remporté par Auguste Rodin par 12 voix contre 10.

Dès 1891, Auguste Rodin, travailleur acharné, recherche des témoignages, rassemble des dizaines de documents et autres supports artistiques afin de l’aider à mieux appréhender l’auteur, de façon physique et intellectuelle et obtenir un résultat au plus proche de la réalité. De nombreux essais puis une série de modèles préparatoires naissent de cette recherche. Le sculpteur met alors près de 8 ans à répondre au concours. Le “Balzac nu” présenté par DE BAECQUE & Associés en est un des essais.

L’ultra-réalisme - extrêmement naturaliste et expressionniste - du sujet fait scandale; Honoré de Balzac n’est pas flatté. Le refus du monde académique de l’époque est immédiat.
Ce modèle préparatoire en version nue présenté aux enchères le 1er décembre prochain est fondu entre les années 1946 et 1950, par Eugène Rudier dans la célèbre fonderie crée par son père Alexis Rudier, ce qui en fait une fonte exceptionnelle car en série limitée.

Validée par le Comité Rodin, l’oeuvre est unique par son histoire mais aussi sa provenance. Intégrant les premières collections du Musée Rodin, la sculpture a ensuite appartenu à son fondeur Eugène Rudier ; puis a intégré la collection du Docteur Jean Girou et transmis par descendance jusqu’à ce jour.

Après le scandale du “Balzac nu”, Auguste Rodin soumet alors une version finale en robe de bure, dans laquelle l’auteur écrivait. Malgré sa victoire, et compte tenu de ce contexte, La Société des Gens de Lettres passe finalement commande auprès d’Alexandre Falguière.

C’est en 1939 que l’oeuvre victorieuse mais recalée est fondue et érigée par le Musée Rodin boulevard Raspail, à quelques mètres de l’étude parisienne de DE BAECQUE & Associés.

Remarquable par sa provenance et son histoire, l’oeuvre attirera l’attention des collectionneurs du monde entier.


Auguste Rodin (1840-1917)
Balzac, étude de nu C, petit modèle

Grand modèle créé en 1892, modèle réduit créé en 1918, fonte Alexis Rudier entre 1946 et 1950
Bronze à patine verte sombre nuancée de bleu

Signé « Rodin » sur le côté droit de la base et porte le cachet ‘A Rodin’ à l’intérieur
Porte la marque du fondeur « ALEXIS RUDIER / FONDEUR PARIS » à l’arrière de la base à droite
Porte le numéro « 204 » en lettres rouges à l’intérieur
Dim. : 75,4 x 31,4 x 41 cm

Provenance :
-Musée Rodin, Paris ;
-Eugène Rudier, Le Vésinet (acquis du ci-dessus, entre 1946 et 1950) ;
-Dr Jean Girou, Toulouse ;
-Par descendance.

Estimation : 150.000 / 250.000 €

Le certificat d’inclusion du Comité Rodin portant le N°2018-5365 B émis le 11 juin 2018 sera remis à l’acquéreur

Autres exemplaires répertoriés :
- Auguste Rodin, Balzac, étude de nu C, réduction, avant 1927, bronze, fonte Alexis Rudier, signé sur la terrasse « A. Rodin », H. 77 x L. 32 x P. 40 cm, Paris, musée Rodin, inv.S.790 ;
- Auguste Rodin, Balzac, étude de nu C, petit modèle, bronze, fonte Alexis Rudier, H. 77 x L. 30 x P. 39 cm, Paris, musée Rodin, inv. S.473 ;
- Auguste Rodin, Honoré de Balzac (Étude de nu pour Balzac), bronze, H. 75,6 x L. 44,4 x P. 34,9 cm, Des Moines Art Center, inv. 1955.13 ;
- Auguste Rodin, Balzac, étude de nu C, petit modèle, 1966, bronze, fonte Georges Rudier n°8, H. 75,5 x L. 30,8 x P. 34,6 cm, New Yorl, Museum of Modern Art, inv. 637.1973 ;
- Auguste Rodin, Balzac, étude de nu C, petit modèle, 1970, fonte Georges Rudier n°10, Los Angeles, Cantor collection ;
- Auguste Rodin, Balzac, étude de nu C, petit modèle, 1972, fonte Georges Rudier n°11, Los Angeles, Cantor Foundation.

Œuvres en rapport :
- Auguste Rodin, Balzac, étude de nu C, plâtre, signé, H. 76,5 x L. 32 x P. 34,3 cm, Paris, musée Rodin, inv. S.2261 ;
- Auguste Rodin, Balzac, étude de nu C, plâtre patiné, signé, H. 76,5 x L. 29,6 x P. 35,1 cm, Paris, musée Rodin, inv. S.2351 ;
- Auguste Rodin, Balzac, étude de nu C, plâtre, signé, H. 75,4 x L. 28,6 x P. 38,5 cm, Paris, musée Rodin, inv. S. 2849 ;
- Auguste Rodin, Balzac, étude de nu C, petit modèle, plâtre patiné, H. 75,6 x L. 34,9 x P. 39,1 cm, Philadelphie, musée Rodin, inv. 1971-142-1.

Littérature en rapport :
- Antoinette Lenormand Romain, Rodin et le bronze, catalogue des œuvres conservées au Musée Rodin, Paris, RMN, 2007, vol. 1, pp. 165-190 ;
- Élisabeth Lebon, Dictionnaire des fondeurs de bronze d’art : France 1890-1950, Perth, Marjon éd. 2003, pp. 219-228 ;
- « Zola et la statue de Balzac », dans Bulletin de la Société Littéraire des ‘Amis d’Émile Zola’, Paris, n°2, 1er janvier 1923 ;
- Gustave Coquiot, Le Vrai Rodin, Paris, 1913.


 


Dans un article du Figaro daté du 6 décembre 1880, Émile Zola s’insurge contre une souscription lancée pour l’édification d’une statue en l’honneur d’Alexandre Dumas père alors que rien jusqu’alors n’ait été entrepris pour glorifier la mémoire d’Honoré de Balzac. « Je donnerai cent francs pour la statue de Dumas père quand j’aurai donné mille francs pour la statue de Balzac » nous dit Zola. L’idée fait son chemin et Zola, élu en 1891 président de la très influente Société des gens de lettres, parvient à ses fins et fait entériner le projet. Dans un premier temps le sculpteur Henri Chapu (1833-1891) est désigné et présente au comité une maquette du futur monument. L’esquisse montrant le grand écrivain assis, une allégorie féminine de la Vérité lui tendant un miroir dans lequel il regarde symboliquement passer la Vie, fait consensus. Mais Chapu meurt cette même année 1891 sans pouvoir aller au bout de son projet. Zola, qui n’a jamais apprécié l’idée trop convenue et académique de Chapu, use de toute son influence pour que Rodin se voit confier l’illustre monument.

Si on ne connait pas précisément le contexte de la rencontre entre Rodin et l’écrivain, on peut supposer que Zola l’a connu, ou tout du moins a suivi sa carrière, durant les débuts difficiles du grand sculpteur. Dans l’Oeuvre, roman publié en 1886, quatorzième volume de la série des Rougon-Macquart, Zola dépeint un sculpteur désargenté sous les traits du personnage Mahoudeau qui pourrait lui avoir été inspiré par Rodin. Quoiqu’il en soit une solide et fidèle amitié semble lier les deux génies et elle transparait au fil de la nombreuse correspondance qu’ils entretiennent tout au long de ce qui va devenir « l’affaire du Balzac ».


En 1891 Rodin a atteint la consécration et son art est enfin reconnu. Il est nommé chevalier de Légion d’Honneur depuis 1887, tout le monde des arts a admiré le chef d’œuvre des Bourgeois de Calais et l’Etat lui a commandé pour l’Exposition Universelle de 1889 un marbre de son Baiser qui va enthousiasmer les foules. Le sculpteur s’engage dans ce nouveau projet avec ardeur et enthousiasme. Il relit tout l’œuvre de Balzac, s’imprègne du personnage et étudie les portraits exécutés par les contemporains de l’auteur de la Comédie Humaine. Il se rend en Touraine sur les terres natales de Balzac dans l’idée de trouver un modèle correspondant au portrait qu’en a fait son ami Lamartine : Il était gros, épais, carré par la base et les épaules ; le cou, la poitrine, le corps, les cuisses, les membres puissants (…) ; mais nulle lourdeur ; il avait tant d’âme qu’elle portait tout cela légèrement, gaiment, comme une enveloppe souple et nullement comme un fardeau ; ce poids semblait lui donner de la force et non lui en retirer (…). À Tours, le sculpteur rencontre un certain Estager, conducteur de profession, dont la physionomie et le morphotype rappelle celui de Balzac.
Rodin fait le portrait d’Estager, multiplie les études, cherche, hésite, recommence et s’attarde.

En 1892 la commission du monument, s’impatientant, se rend dans l’atelier de Rodin et parmi les différentes maquettes et études porte son choix pour un Balzac debout dans la robe de moine qu’il avait pour habitude de porter pour travailler. Mais Rodin n’est toujours pas satisfait. Il cherche encore et la Société des gens de lettres s’exaspère de ces trop longs délais. Zola obtient pour son protégé un sursis de deux ans supplémentaires. En 1897, Zola ne préside plus la commission et Rodin est sommé de livrer sa sculpture, ce qu’il fait, contraint et forcé, en présentant un grand plâtre en 1898 au Salon des artistes français.

 
Anonyme, Estager, conducteur de Tours, épreuve sur papier albuminé, Paris, musée Rodin, Ph. 1216
Auguste Rodin dans son atelier, contretype, négatif souple en nitrate de cellulose, 12 x 10 cm

 
L’œuvre fait grand bruit et le tout Paris se presse pour voir l’immense statue monolithique de l’écrivain drapé dans sa robe de moine, les bras croisés, le regard au loin, puissant et dominateur du haut de son génie visionnaire. Le monument fait scandale et deux camps se forment pour vilipender ou encenser l’œuvre qui révolutionne les codes de la sculpture.
En 1898, en pleine affaire Dreyfus, la statue de Rodin devient un enjeu politique qui cristallise les passions. La société française est divisée, les défenseurs du capitaine bafoué emmenés par Zola louent et défendent avec ardeur la statue de Balzac alors que ses détracteurs, survoltés, font assauts d’invectives aussi furieuses qu’extravagantes. La sculpture fait couler beaucoup d’encre. Si Rodin est heurté, blessé par ce déchainement de réactions, il ne renie rien : « J’ai fait Balzac comme je l’ai compris, comme je l’ai senti. Il m’a coûté cinq ans d’études, de recherches, de travail. Ce que j’ai fait c’est bien ce que j’ai voulu faire. (…) Je ne modifierai rien. ».

Intransigeante et butée, la Société des gens de lettres, adoubée par la commission des beaux-arts du Conseil municipal de Paris, n’accorde pas d’emplacement à la statue, et adopte la motion suivante : « Le Comité de la Société des gens de lettres a le devoir et le regret de protester contre l’ébauche que M. Rodin expose au Salon et dans laquelle il se refuse à reconnaître la statue de Balzac ». En 1900, le climat de passion s’est toutefois apaisé. Lors de la grande rétrospective qu’il organise au pavillon de l’Alma en marge de l’Exposition universelle, Rodin, fier de cette statue qu’il considère comme l’aboutissement de tout son art, place son Balzac dans l’axe de l’entrée, accueillant les visiteurs du haut de ses trois mètres. Il faudra attendre juillet 1939 et une nouvelle souscription pour que, enfin coulée dans le bronze, la majestueuse silhouette fantomatique du grand écrivain puisse rejoindre l’espace public, au carrefour de la rue Vavin et du boulevard du Montparnasse à Paris, où on la voit toujours.


Jean Girou posant devant le Balzac, étude de nu C, petit modèle, photographie

JEAN GIROU (1889-1972)
Jean Girou était docteur en médecine, écrivain, Littérateur donc, historien local, auteur dramatique. Il exerçait à Carcassonne comme Oto-Rhyno-
laryngologiste.
Cette passion qu’il se découvrit pour l’Aude, il la concrétisa par une série de livres et d’articles dans lesquels il chantait la gloire de cette belle région.
Il fut aussi mainteneur de l’Académie des Jeux Floraux, membre de l’Académie des Arts de Toulouse, capistol de l’Escola audenca, membre de la Société des arts et sciences de Carcassonne et de la Société d’études scientifiques de l’Aude ; enfin, lauréat de l’Institut.

Notre importante épreuve en bronze dite Balzac, étude type C, petit modèle témoigne du passionnant travail de recherche qui a occupé Rodin tout au long des sept années qu’il a consacré à l’effigie du grand écrivain. Il s’agit de la première étude de nu, celle qui a choqué en 1892 les représentants de la Société des gens de lettres venu voir l’avancée du projet dans l’atelier du sculpteur. Rodin nous donne à voir un Balzac déjà âgé, fier, massif, ventru, gargantuesque, mais les commanditaires le voudraient plus jeune, moins âpre, sans doute plus sage. On sent ici Rodin chercher ; il dissèque la stature, la corpulence, les lignes de force, les points d’appuis et veut mettre en avant la puissance et l’énergie créatrice du bourreau de travail qu’était l’écrivain. Les jambes largement écartées, les bras fermement croisés sur la poitrine, dans une nudité triomphante, Balzac, sûr de son génie, nous apparait dans l’attitude d’un lutteur défiant le monde.

De son vivant, Rodin a offert un plâtre inédit de cette brillante étude à l’un de ces amis, le docteur Joseph Charles Mardrus. Vers 1918, Léonce Bénédite, premier conservateur du musée Rodin octroie le droit au marchand d’art Gustave Danthon d’éditer des réductions en bronze tirés du plâtre du docteur Madrus. Danthon en fait fondre trois exemplaires chez Alexis Rudier entre 1918 et 1927. En 1927 le musée rachète ce plâtre et ses droits d’édition. À son tour, entre 1930 et 1950, l’institution muséale fait fondre, toujours chez Alexis Rudier, quatre épreuves. Plus tard, entre 1958 et 1973 le musée fait appel à la fonderie Georges Rudier pour tirer en bronze neuf derniers exemplaires.

Notre épreuve, fondu au sable dans la fonderie Alexis Rudier entre 1946 et 1950, fait partie des quatre exemplaires issus de la première série éditée par le musée. Elle présente une empreinte dans le bronze précise, tendue, nerveuse et une riche patine brune et verte nuancée d’un bleu profond.
Sa provenance est limpide. L’œuvre appartient aujourd’hui aux descendants du grand collectionneur, écrivain, historien et membre de l’Académie des Arts de Toulouse, le docteur en médecine Jean Girou (1889-1972). Comme l’atteste une correspondance à l’entête de la fonderie Rudier entre Jean Girou et Eugène Rudier, les deux familles étaient apparentées. Le docteur achète vers 1950 à Eugène Rudier, qui est à la tête depuis 1897 de la célèbre fonderie créée par son père, le bronze que nous présentons. Eugène Rudier, fondeur attitré de Rodin depuis 1902, joue ici aussi le rôle d’intermédiaire entre l’institution et son très proche ami collectionneur.


Source : http://sudinsolite.com/et Catalogue de la BNF


Vente aux enchères :
Mobilier & Objets d’art - Sculpture - Tableaux anciens et modernes
Vendredi 1er décembre Drouot - Salle 5 - 14h30
9 rue Drouot 75009 Paris

Exposition privée sur rendez-vous :
132 boulevard Raspail 75006 Paris
Rendez-vous : 06 42 71 39 64

Dates d’exposition publique :
Mercredi 29 novembre de 11h à 18h
Jeudi 30 novembre de 11h à 20h
endredi 01 décembre de 11 à 12h

Expert :
Cabinet Lacroix-Jeannest