Adjugé 817 000 frais compris. Acquisition du Metropolitan Museum

Exceptionnelle plaque en cuivre champlevé, émaillé,
gravé et doré représentant la Vocation de Pierre et André.

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Email bleu foncé, bleu moyen, bleu clair, blanc, mauve, mauve sombre, vert moyen, vert clair, jaune.
Plaque rectangulaire aux bords ciselés et trous de fixation aux angles.
La scène montre le moment où Jésus aperçoit les deux frères Pierre et André
dans leur barque sur le lac de Tibériade en train de jeter leurs filets.
Il les appelle pour leur demander de le rejoindre (Matthieu IV, 18-20 ; Marc I, 16).
Sur la gauche, le Christ se tient debout dans une attitude dansante, les jambes se croisant,
le bras droit levé dans un geste de bénédiction, ses pieds débordant sur le cadre ;
une banderole placée devant son visage porte l'inscription VENITE.P(ost) ME ("Venez à ma suite"),
début de VENITE POST ME ET FACIAM VOS FIERI PISCATORES HOMINUM
("Venez à ma suite et je vous ferai devenir des pêcheurs d'hommes")
Occupant le reste de la composition, les deux frères, dans une barque sous-dimensionnée par rapport aux personnages,
tournent leur tête vers le Christ. Pierre, reconnaissable à sa calvitie,
passe sa jambe droite par dessus le bord de la barque, saisissant d'une main un pan de sa robe et tenant la proue de l'autre ;
André semble s'arc-bouter, les deux mains tirant sur la corde du filet ;
dans les flots stylisés est figurée une demi-douzaine de poissons.
Les lames de bois formant la coque de la barque sont ornées de ponctuations en creux
tandis que le fond est gravé d'une résille losangée aux intersections soulignées de fleurettes.
Tout autour, encadrement de trois bandes de couleurs dont une portant des perles avec,
à chaque angle, une feuille de chêne gravée.

Angleterre, vers 1170-1180
Hauteur : 8,6 cm Longueur : 12,4 cm
(petits manques d'émaux dans la bordure sur deux angles, quelques usures à la dorure)

Adjugé 680 000 euros hors frais

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Expert : Laurence Fligny

Provenance : collection privée, Lyon
Jusqu'ici inédite, cette plaque vient s'ajouter à sept autres conservées dans plusieurs musées français et étrangers : deux au Victoria and Albert Museum de Londres, M.233-1874 et M. 312-1926 (fig. c et d)), une au Metropolitan Museum de New York, 17.190.44 (fig. e), une au Germanisches Museum de Nuremberg, KG 609(fig. a), deux au Musée des beaux-arts de Dijon, collection Trimolet, n°1249 et n° 1250, (fig. b et f), une au musée des beaux-arts de Lyon, cat.1887, n° 188 (fig. g). Toutes ces plaques sont de mêmes dimensions et leurs contours sont ciselés de la même mouluration caractéristique crantée de billettes fendues. Ces huit plaques ornaient toutes le parement d'un même objet, grand retable ou châsse à caissons, dont l'ensemble a été dispersé au cours du XIXe siècle. Elles illustrent les vies de Pierre et de Paul, les deux saints patrons de Rome. Celle présentée ici est la première dans le cycle de la vie de Pierre quand, pêchant avec son frère André, il fût enrôlé par le Christ. D'un beau style roman, cette plaque allie la force des visages, aux yeux farouches et aux barbes fournies, avec les détails pittoresques des poissons figurés dans l'ondulation des flots, le tout rehaussé par la luminosité des émaux et ses dégradés de bleu. La composition est dynamique avec la posture dansante du Christ, celle de Pierre, plongeant déjà une de ses jambes dans l'eau ainsi que celle d'André, s'arc-boutant pour tirer de toutes ses forces sur la corde du filet.
Bien que s'apparentant aux émaux rhéno-mosans de la même époque, cette série de plaques est rattachée à présent à la production anglaise. Les relations politiques et religieuses au XIIe siècle entre l'Angleterre, la Rhénanie et la Basse-Saxe sont en effet bien établies et des échanges tant sur le plan artistique que technique ont naturellement existé. Cette production anglaise se distingue par la couleur des émaux qui joue moins sur les dégradés en laissant une place prépondérante aux violets et aux mauves et en utilisant très peu le fameux vert vif, dont seule une pointe est perceptible ici sur la manche du Christ. Le vert moyen, uni et opaque, utilisé ici pour le nimbe de Pierre et le mât de la barque semble également caractéristique. Les faciès avec leurs expressions sévères et leurs traits marqués comme les fronts ridés et les sourcils froncés rappelant l'art byzantin sont également bien particuliers. La parenté de certains détails dans l'attitude des personnages et les drapés avec l'enluminure anglaise a été enfin soulignée.
Marie-Madeleine Gauthier, qui a étudié la série des sept plaques connues jusqu'ici, rattache son iconographie aux modèles qu'auraient fournis certains grands cycles médiévaux relatifs aux scènes de la vie de Pierre et de Paul comme les mosaïques siciliennes de la chapelle Palatine à Palerme et celles de Montreale, ou encore les fresques romaines de Saint-Paul-hors-les-Murs et de Saint-Pierre-au-Vatican ancien. Cette iconographie siculo-byzantine a vraisemblablement été transmise via les manuscrits comme l'ont établi plusieurs travaux qui ont mis en lumière l'interpénétration de l'art de l'enluminure et celui de l'émail au XIIe siècle. Ces plaques éclairent ainsi d'une façon singulière toutes les relations que tissait l'Angleterre aussi bien avec le nord que le sud du continent.
Conservée dans une collection lyonnaise depuis plusieurs générations, cette plaque en émail champlevé anglaise - infiniment plus rare que les plaques limousines ou rhéno-mosanes de la même époque - est une véritable découverte qui nous est parvenue en outre dans un remarquable état de conservation
Bibliographie comparative : M.M. Gauthier, Emaux du moyen âge occidental, Fribourg, 1972, pp 161-162, cat.116, pp 362-363 ; Londres, 1984, English Romanesque Art 1066-1200, Haward Gallery, cat. 290 a-f, pp 273-275 ; C. Briend, Les Objets d'Art - Guide des Collections, Musée des Beaux-Arts de Lyon, 1993, pp 24-25.

Exceptional copper plaque with champlevé enamel, engraved and gilded, representing the Vocation of Peter and Andrew. Dark blue, mid-blue, light blue, white, mauve, dark purple, mid-green, light green, yellow enamel. Rectangular plaque with embossed edges and fixation holes in the corners.

The scene shows the moment when Jesus catches sight of the brothers Peter and Andrew throwing their nets in their boat on Lake Tiberias. He calls to them asking them to join him (Matthew IV, 18-20; Mark 1, 16). On the left Christ is standing, in a dancing position, his legs crossed, his right arm raised as if in blessing, his feet running over onto the frame; a banner in front of his face carries the inscription VENITE.P(ost) ME ET FACIAM VOS FIERI PISCATORES HOMINUM ("Follow Me, and I will make you fishers of men."). The rest of the composition is made up of the two brothers in their boat, under-sized in comparison to the figures, who are turning their heads towards Christ. Peter, recognisable by his baldness, puts his right leg over the side of the boat, taking in one hand a panel of his robe and holding the bow in the other; Andrew seems to arch his back, both hands pulling on the string of the net; in the stylised, figurative waves there are half a dozen fish. The slats of wood which form the hull of the boat are decorated with indentations whereas the bottom of the boat is engraved with diamond-shaped netting, each intersection highlighted by small flowers. All around, the frame consists of three coloured stripes, one of which is beaded, with, at each corner, an engraved oak leaf.

England, around 1170-1180
Height: 8,6cm Length: 12.4cm
(some enamel missing on two frame corners, some of the gilding is worn away)
Origin: private collection Lyon

Previously unheard of, this plaque can be added to the seven others kept in French and foreign museums: two are in the Victoria and Albert Museum in London M.233-1874 and M. 312-1926 (fig. c and d), one in the Metropolitan Museum in New York 17.190.44 (fig. e), one in the Germanisches Museum in Nuremberg KG 609 (fig. a), two in the Musée des beaux-arts in Dijon, Trimolet collection n° 1249 and n° 1250 (fig.b and f) and one in the Musée des beaux-arts in Lyon cat. 1887, n° 188 (fig. g). All the plaques are of the same size and their borders are embossed with the same characteristic moulding, notched with slotted billets. These eight plaques adorned the facing of the same object, a large altarpiece or reliquary casket, which was broken up during the XIXth century. They show the lives of Peter and Paul, the two patron saints of Rome. The plaque presented here is the first showing the life of Peter when, fishing with his brother Andrew, he was enlisted by Christ. In a fine Romanesque style, this plaque combines the strength of the faces, with wild eyes and full beards and the picturesque details of the figurative fish in the waves, everything is set off by the vibrancy of the enamel and its gradation of blue. The composition is dynamic with the dancing posture of Christ, Peter putting one of his legs in the water and Andrew, arching his back to pull with all his force on the string of the net.

Although similar to the Rhine and Meuse valley enamels of the same period, this series of plaques is now linked to English production. Political and religious relations in the XIIth century between England, the Rhineland and Lower Saxony are indeed well established and naturally existed both in artistic and technical spheres. This English production is marked by the colour of the enamel which has less gradation leaving a dominant position for the purples and mauves and using very little of the famous bright green, of which only one piece can be seen on Christ's sleeve. The plain and opaque mid-green enamel, used here for Peter's halo and the boat's mast also seem characteristic. The faces with their serious expressions and pronounced features like their wrinkled foreheads and furrowed brows similar to byzantine art are rather unusual. Attention has finally been drawn to the similarities between certain details in the bearing of the figures and the robes and English illuminations.

Marie-Madeleine Gauthier, who studied the previously known series of seven plaques, links her iconography to models that would have been provided by some mediaeval cycles, figuring life scenes of Peter and Paul like the Sicilian mosaics in the Palatine chapel in Palermo and those in Monreale or the Romanesque frescos in Saint-Paul-hors-les-Murs and Saint-Pierre-au-Vatican. As several studies have shown, this Siculo-Byzantine iconography was probably transmitted via manuscripts, they highlight the permeation between illuminations and enamel works in the XIIth century. These plaques demonstrate quite remarkably the relations built up between England and both the north and the south of the continent.

This English champlevé enamel plaque, which was kept in a collection in Lyon for several generations, is far rarer than plaques from the Limousine or Rhine and Meuse regions of the same period, and is therefore a genuine discovery which has furthermore reached us in an outstanding state of preservation.