Art aborigène

"Peindre pour faire Vivre le Monde"

La peinture aborigène et le Temps du Rêve

Ce qui lie tous les Aborigènes, ce sont leurs croyances communes dans le Rêve (Jukurrpa), appelé également le Temps du Rêve. Cette notion est déterminante dans la vie religieuse, culturelle et sociale d’un peuple si ancien qu’on le dit descendu des Dieux.

Le Temps du Rêve ne désigne pas l’univers des songes tel que nous le comprenons, mais renvoie à un passé mythologique de création du monde par des êtres surnaturels, les Grands Ancêtres.
Il est un concept fondamental des croyances aborigènes, mêlant le rêve à la réalité, il est un Temps cosmique sans commencement ni fin, dans lequel le présent, le passé et le futur coexistent, et dans lequel toutes les formes de vie - humaine, animale, végétale, minérale - interagissent les unes sur les autres au sein d’un réseau de connexions vaste et complexe.

Il fournit une explication du monde et de ses phénomènes (le cycle des saisons, la pluie…), définit le sens de la vie, le bien ou le mal, l’équilibre. Il donne un cadre moral. Il est la Loi. On l’atteint pour des besoins spirituels et à travers lui on peut communiquer avec les esprits.

L’art occupe une place centrale dans la vie des Aborigènes qui transmettent la Connaissance par la parole (le chant) et le dessin. Sa dimension est spirituelle et initiatique car il représente les différentes parties de l’histoire de la Création qui se déclinent en une palette de variantes d’une tribu à une autre. Chaque humain étant lié spirituellement et physiquement à l’environnement dans lequel il évolue.

A l'exception de peintures rupestres dont les plus anciennes datent de 40 000 ans (à titre d’exemple celles de Lascaux sont datées de 17 000 ans) et de quelques œuvres sur écorce d’une très grande fragilité conservées dans des musées, la plupart des peintures rituelles aborigènes étaient éphémères : motifs aux doigts ou au bout de bois sur le sable ; association de pigments naturels principalement les ocres et le charbon, aux plumes et aux éléments végétaux, sur le corps ou sur le sol.



A partir des années 1970, sous l’impulsion d’un professeur de dessin, Geoffrey Bardon, établi dans un camp, ce qui commença par un projet éducatif (peindre des fresques) auprès d’un groupe d’adolescents permit aux Aborigènes de découvrir la possibilité d’exprimer leurs messages sur des toiles en utilisant de la peinture acrylique. Ils pourront ainsi transmettre de façon pérenne un patrimoine culturel et artistique menacé d’extinction, éviter les outrages du temps, sortir de l’oubli.

Inspirées de peintures rituelles plurimillénaires, ces œuvres évoquent le Temps du Rêve, les Grands Ancêtres, les sites de commémorations, les itinéraires, la Terre vue du ciel, les astres. Elles figurent des campements, des points d’eau, des chemins, des personnages, des traces d'animaux, des plantes du bush, les nuages, la pluie, le vent, les dunes…
Les Aborigènes conservent également la technique ancestrale des points, celle des bandes de couleurs et des vues du ciel.

Les signes ainsi tracés sur la toile ont une signification propre à chaque communauté, et à chaque peintre en fonction de son initiation. Certains ont même des significations cachées qui ne peuvent être expliquées, la Loi du Rêve imposant aux artistes initiés de ne pas dévoiler tous les symboles qui leur ont été révélés.

Itinéraires de collectionneurs


Pour ceux qui ont parcouru en Australie la route du Centre dans les années 80, pas d’asphalte mais de la poussière à volonté. C’est là, autour d’Alice Springs et jusqu’aux Territoires du Nord que notre premier collectionneur a partagé pendant vingt ans la vie des communautés quand la peinture, sur toile, en était à ses balbutiements. De la lecture des lignes à l’interprétation des points, il a déchiffré les rêves et l’Outback australien jusqu’à être reconnu comme initié par ses pairs.
Les toiles de cette collection présentées aujourd’hui sont toutes directement issues de ces communautés.

Pas de trek dans le bush pour la seconde collection présentée concomitamment à la précédente, mais un regard visionnaire qui s’est attaché très tôt au travail de ces artistes aborigènes dont on ne parlait pas ou peu en France jusqu’à la fin du XXe siècle. Des œuvres parfois anonymes enfin reconnues. Des artistes dont les toiles appartiennent désormais aux collections permanentes des plus grands musées ou que l’on trouve accrochées aux cimaises de grandes galeries internationales pour le plaisir des amateurs et des collectionneurs.

Muriel Le Payen
DE BAECQUE & Associés

Contact étude : +33 (0)4 72 16 29 44 - contact@debaecque.fr

Expert : Damien Voutay

Le catalogue et les photographies sont en ligne et consultables sur notre site

En photo :
Tommy Yannima WATSON (circa 1935)
Sans titre
Acrylique sur toile
H. 118 cm L. 148 cm