Mise aux enchères d'un magnifique pastel de Claude Monet

Claude MONET (1840-1929)
Sainte-Adresse, vue sur le Perrey, vers 1863 - 1864
Pastel
Signé en bas à gauche "Claude Monet"
Au verso, esquisse d'une tête de vache regardant à gauche
Crayon noir
H. 15,5 cm L. 30,8 cm

80 000 / 120 000 €

Nous remercions le Wildenstein Institute d’avoir confirmé l’authenticité du dessin au dos de la feuille.
Au dos du cadre, étiquette d'exposition : "Galerie Schmit - 396 rue Saint-Honoré 75001 Paris - Œuvres sur papier - Instants choisis des XIXe et XXe siècle - Du 14 février au 12 avril 2002 - n° 55"

Provenance :
- Emile Billard (1857-1930), Le Havre
- Alfred Thillard (1881-1971), Le Havre, puis par descendance

Bibliographie :
- Daniel Wildenstein, Claude Monet, Catalogue raisonné tome V, Supplément aux peintures - Dessins Pastels - Index, Wildenstein Institute, Lausanne, 1991, reproduit pages 55 et 158 sous le numéro P15
 

















 
Notre pastel a été composé sur un papier bleu. Le ciel clair occupe la partie supérieure de notre feuille et se confond avec la mer à droite. Sur la gauche, délimitée par une douce diagonale soulignée par des ornières, la plage est parsemée de flaques d’eau et au fond les bâtiments en bois du hameau du Perrey animent l’horizon. La cheminée de l’une d’elle fume. La feuille est signée en bas à gauche « Claude Monet ». Au dos de la feuille, Monet a esquissé la silhouette d’une vache qui regarde à gauche. D'après le rédacteur du catalogue raisonné, Le Perrey était un faubourg du Havre composé de bâtisses en bois abritant des pêcheurs. Il est situé au sud-est de l’église Saint Vincent du Havre à laquelle l’artiste tourne le dos quand il exécute ce pastel. Depuis longtemps disparu, l’emplacement de ce faubourg est aujourd’hui occupé par le boulevard Clémenceau. Une petite rue parallèle perpétue le nom du Perrey.

Une exposition de la Royal Academy or Arts de Londres, « The unknown Monet : Pastels and drawings » révèle en 2007 la qualité de l’œuvre sur papier de Monet. On connaît un nombre limité de pastels. Environ une centaine de numéros sont répertoriés par le catalogue raisonné et le corpus est assez difficile à dater. Cependant différents détails de notre œuvre et en particulier la découverte de l’esquisse au crayon noir au dos de la feuille, ignorée jusqu’à présent, vont nous permettre d’avancer une hypothèse de datation.

Dès 1864, Claude Monet quitte Paris et ses ateliers pour revenir en Normandie travailler en extérieur. Il souhaite lancer sa carrière artistique et acquiert sa technique picturale auprès d’artistes accomplis qu’il rencontre à ce moment-là, dont Johan Barthold Jongkind (1819-1891) et Eugène Boudin (1824-1898). Si on devine l’influence de Jongkind dans les traits noirs dynamiques esquissant des ornières, le reste de la composition exprime déjà une maîtrise étonnante et la volonté de créer une œuvre finie plutôt qu’une simple étude sur le motif en vue d’un tableau plus abouti. La composition parfaitement calée par un jeu de douces diagonales met en valeur la pureté du ciel et la transparence de l’eau.
L’étagement irrégulier des bicoques en bois est le point d’ancrage de la composition. Sous prétexte de représenter ces vues qui lui sont chères -Sainte-Adresse a hanté le début de la carrière de Monet l’artiste exprime déjà son intérêt pour la lumière et les reflets. Le bleu du ciel scintille dans les grandes flaques d’eau qu’il représente à gauche de la composition. Le sol, la plage, le chemin, les maisons deviennent des acteurs secondaires pour laisser le premier rôle au ciel, aux flots mouvants animés de bateaux ainsi qu’aux reflets du ciel sur le sable humide.

Le verso de cette feuille nous a réservé une passionnante découverte. L’esquisse de vache correspond à la fois en dimension et en style au noble ruminant représenté par Monet dans « L’étude de vaches » (D413 Catalogue raisonné – fig. 1) datée vers 1863. Ce dernier dessin serait une esquisse réalisée en vue du tableau « La cour de ferme en Normandie » datée de 1863 et conservé au musée d’Orsay. La similitude de motif permet d’évoquer les mois passés par Monet à la ferme Saint-Siméon avec des amis et d’autres artistes. Elle souligne aussi son admiration pour le travail de Boudin dont il garda toute sa vie un pastel accroché dans sa chambre de Giverny comme seul ornement.

Au XIXe siècle, notre feuille sera acquise au Havre par un ancêtre du vendeur soit directement à Monet, soit par l’intermédiaire du marchand de couleurs-encadreur qui avait présenté Boudin à Monet. Le pastel est resté dans la même famille depuis. Il est donc inédit sur le marché de l’art avant ce jour.